L'ARMAGNAC
En Armagnac, les Romains introduisirent la vigne, les Arabes, l'alambic et les Celtes importèrent le fût. De la confrontation de ces trois cultures est né l'Armagnac, la plus ancienne eau-de-vie de France. La culture de la vigne remonte dans cette région privilégiée aux temps romains ; en témoignent les mosaïques superbes découvertes à la Villa gallo-romaine de Séviac, dont les plus belles, avec leurs volutes tout en grappes, ceps et feuilles, chantent les vendanges.
Plus tard, vers la fin du VIème siècle les Vascons envahissent le pays qui va porter leur nom, lequel se transformera pour devenir en 670 le premier Duché de Gascogne. En se penchant sur le nom d'Armagnac, les historiens ont retrouvé les traces d'un chevalier Herreman, compagnon du fougueux Clovis, à qui un fief avait été donné en récompense de sa bravoure. Latinisé par les capistes médiévaux, Herreman serait devenu "Arminius", jusqu'à ce que le langage local s'en empare pour le muer en Armagnac. Au Xème siècle, un petit comté portant ce nom glorieux voit le jour en Gascogne.
L'Armagnac est la plus vieille eau-de-vie de France ; son histoire se confond intimement avec celle de la Gascogne depuis qu'au XVème siècle, entre 1411 et 1441, apparaissent irréfutables, les preuves de sa production, de sa consommation, de sa commercialisation. Selon René Cuzaq, l'Armagnac est, dès 1461, un produit courant sur le marché de Saint Sever dans les Landes. A l'origine, ce produit mystérieux touchant presque à l'Alchimie, ne se consomme guère. On lui attribue des vertus thérapeutiques... L'eau qui brûle : "aygardent". Une eau d'immortalité aux arômes et aux saveurs complexes.
Les mentions des eaux-de-vie en Gascogne se multiplient jusqu'à trouver au XVIIème siècle les traces d'un véritable marché de l'Armagnac à Mont-de-Marsan et Aire-sur-l'Adour.
Au XVIIème siècle, les Hollandais achètent à peu près tous les vins de la côte atlantique française, excepté ceux de Bordeaux qui sont aux Anglais. Ils remontent alors la Garonne et concluent leur premier contrat avec les vignerons du Gers. Craignant la concurrence, les Bordelais interceptent les convois qui descendent le fleuve sous prétexte qu'aucun vin autre que le Bordeaux ne peut être transporté par voie fluviale. Si le vin est interdit, l'alcool ne l'est pas, et c'est ainsi que l'on commence à distiller les vins dans la région de Gascogne. Les Hollandais achètent dès lors en Armagnac des grandes quantités d'alcool qui servent à enrichir et à stabiliser les vins dont ils fournissent les peuples du Nord de l'Europe.
En 1730, l'eau-de-vie est un véritable produit commercial qui subit les fluctuations des années, bonnes ou mauvaises. Pour pallier les lacunes, on met en réserve l'eau-de-vie dans des fûts de bois que l'on connaît depuis les Gaulois et, ô miracle ! on découvre un trésor : la couleur, la rondeur et les meilleures senteurs que le vieillissement offre en héritage.
Au XVIIIème siècle, la guerre d'indépendance des Etats-Unis donne un essor supplémentaire aux affaires. A partir de la seconde moitié du XIXème siècle, certains négociants de la région construisent des chais, surveillent le vieillissement et tentent de faire connaître et apprécier l'Armagnac pour lui-même. Soucieux de leur réputation, de la qualité de leurs eaux-de-vie, et de la pérennité de leurs entreprises, les négociants cherchent déjà à améliorer la qualité de leurs Armagnacs. Ils commencent alors à mener des opérations très minutieuses de coupages, à effectuer des contrôles rigoureux des vieillissements et à maîtriser leur stock et les caractéristiques de chaque lot.
Devant l’Hérault et la Gironde, le Gers devient le premier département viticole français. Mais le vignoble d’Armagnac va, lui aussi, connaître le fléau du phylloxéra en 1870. Des 100.000 hectares de vigne, un quart seulement sera replanté.
La région s'organise : le Décret du 25 mai 1909 délimite la zone de production des eaux-de-vie d'Armagnac et ses trois régions, le Décret du 6 août 1936 définit l'Appellation d'Origine Contrôlée Armagnac et ses conditions d’élaboration.
Les Terroirs de l'Armagnac
Le Décret Fallière du 25 mai 1909 définit trois régions :
- le Bas-Armagnac, avec sa capitale Eauze s'étend sur une partie des départements des Landes et du Gers et représente 57% des surfaces plantées en vigne. Cette zone aux sablo-limoneux, dits sables fauves, produit des eaux-de-vie fruitées, légères, délicates et très réputées.
- l'Armagnac-Ténarèze, autour de Condom, couvre le Nord-Ouest du Gers et le Sud du Lot et Garonne. Elle représente environ 40% des surfaces plantées en vigne destinées à la distillation. Les sols argilo-calcaires donnent des eaux-de-vie plus riches, plus corsées, qui, après un vieillissement prolongé, atteignent enfin leur maturité.
- Le Haut-Armagnac, dit Armagnac Blanc à cause des calcaires qui affleurent en cette partie du pays, comprend l'Est du département du Gers et une partie du Lot et Garonne. La culture de la vigne s'y est développée au XIXème siècle en période de forte demande. Aujourd'hui le vignoble y est présent par îlots.
Les Cépages
Dix cépages sont indiqués dans le décret de l'Appellation d'Origine Contrôlée.
L'Armagnac est obtenu par la distillation de vins blancs produits essentiellement des cépages :
Ugni Blanc, Colombard, Folle Blanche, Baco Blanc et pour une moindre part de cépages traditionnels aux noms rares et évocateurs : Clairette de Gascogne, Graisse, Jurançon Blanc, Mauzac blanc et Rosé, Meslier Saint François.
L'Armagnac se vend alors traditionnellement en fût pour la commodité des transports. Après la guerre 39-45, les consommateurs, plus exigeants, souhaitent mieux connaître l'identité des produits et l'usage se répand de mettre les Armagnacs en bouteilles, donnant une meilleure garantie d'authenticité à l'eau-de-vie de Gascogne.
Aujourd’hui, l’Armagnac a conquis le monde entier. Ses 9 millions de bouteilles annuelles sont consommées dans plus de 130 pays.